dimanche 1 mars 2009
ÇA N'A RIEN À VOIR AVEC ANTONIN ARTAUD, MAIS POURQUOI NE PAS EN PARLER, HEIN?
Lesage vit dans un petit studio situé dans le fin fond de la P'tite Pologne, un quartier populaire de Twois-Wivièwes.
Pour se rendre chez-lui, il ne suffit que d'arpenter la rue Saint-François-Xavier jusqu'à la rue Jutras, l'avant-dernière rue avant d'atteindre la clôture du chemin de fer.
Lesage vit à ras le sol, au rez-de-chaussée d'un vieux bloc converti en bloc avec des portes-patios laides, sûrement plus laides que les vieilles portes de bois d'époque, avec les moulures et les formes qui prouvent qu'on ne fait pas une porte de logement comme on ferait la porte d'un enclos pour le bétail. Ça prend un petit peu d'art, sinon d'artisanat.
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas sans arranger Lesage qu'il y ait une porte-patio à son logement parce que Lesage, voyez-vous, roule en quadriporteur.
Il s'est fait botter une jambe lors d'une chute d'un silo à grain qu'il était en train de repeindre. Alors il ne lui reste plus qu'à finir ses jours en chaise roulante, dans son logement de la P'tite Pologne qui est bien d'adon parce qu'il lui permet d'entrer et de sortir de chez-lui facilement, avec son véhicule.
On vient souvent le voir pour discuter avec lui autour d'un café. Le modeste quatre et demi de Lesage est une cour des miracles où s'entassent tous ceux et celles qui, pour une raison ou bien une autre, ne trouvent pas d'amis ou d'oreilles ailleurs que chez Lesage. C'est comme si Lesage rameutait toutes les âmes en peine du quartier vers son logement.
Il y a quand même des limites à rameuter tout le monde. Et ces limites, c'est toujours Lesage qui finit par les imposer, comme de raison.
-Moé, comme dit Lesage en ajustant sa calotte de baseball, moé j'dis qu'y'a pas besoin de frapper pour entrer che'-nous, sauf pour les épais. Pis les épais rares, parce que les épais tout court ils peuvent être ben fins des fois, haha! En tout cas...
-Tu veux-tu dire qu'on est des épais tout court, Lesage?
-Ben non, ben non! Haha! Mais un épais rare, j'en ai vu un pas plus tard qu'hier. C'est le grand avec une grosse barbe, qui a toujours un coat d'hiver su' l'dos même l'été...
-Tu veux dire L'caillou-à-Laroche?
-En plein lui. Vous savez pas c'qui a faitte? Y'est arrivé chez-nous hier soir vers cinq heures pis là j'étais en train d'pisser quand j'entends crier «Lesage! Lesage! J'peux-tu rentrer? Lesage!» Ça fait que j'me s'coue la gertrude pis j'me r'dump su' ma chaise pour aller voir qui c'est qu'c'était qui m'appelait d'même... L'caillou-à-Laroche tabarnak! Tout nu toé chose, les culottes à terre, la gertrude à l'air! Ah ben là! Pis savez-vous c'qu'i' m'dit? «Lesage, j'file pas Lesage... J'aurais besoin d'parler à què'qu'un...»
-Haha! Pis qu'est-cé qu'tu y'as répondu au Caillou-à-Laroche?
-J'file pas moé 'ssi! Tu r'viendras d'main!
-Ha! Ha! Ha!
***
Pour les artistes: Antonin Artaud, tiens.
Un délice.
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