mercredi 4 février 2009
ÇA SENT LA BIÈRE DE LONDRES À BERLIN (JACQUES BREL)
Étienne Plamondon cultivait une passion toute particulière que sa blonde, Renée Lacerte, ne réussissait pas tout à fait à comprendre, voire à tolérer.
Le gros Plamondon était à ce moment-là un jeune colosse dans la trentaine qui gagnait bien sa vie en tant que technicien en chimie pour une papetière. Il ressemblait à un Vicking. Il était brun et roux avec un gros pif. Renée était professeure d'espagnol au cégep. Elle ressemblait un peu à Céline Dion en beaucoup plus maigre. Elle était aussi dans la trentaine. Et elle avait aussi un gros pif, contrairement à Céline, semblablement à Plamondon. Un point commun pour vivre ensemble. Un point commun tout menu. Parce que pour le reste, ils n'étaient pas du tout faits pour s'entendre.
Renée était une rêveuse plutôt active qui aimait discuter d'art et de littérature autour d'une bonne bouteille de vin. Plamondon était un ivrogne plutôt passif qui aimait roter avec sa bande de copains autour d'une partie de hockey à la télé ou bien d'une partie de cartes.
Plamondon aimait la bière sous toutes ses formes et en buvait du matin jusqu'à l'autre matin, aussi souvent qu'il le pouvait, jusqu'à ce qu'il soit complètement saoul. Ce qui arrivait rarement, en fait. Plamondon était dur à saouler. Avec de la bière à tout le moins. Ce qui fait qu'il en buvait d'énormes quantités, tous les jours, pour recommencer le lendemain avec le même sentiment d'un vide immense à combler. Il n'y avait pas assez de bière sur terre pour saouler Plamondon.
Fait à noter, Plamondon collectionnait les marques de bouteilles de bière. Il rangeait ses bouteilles avec dévotion au dernier étage de sa bibliothèque où l'on trouvait essentiellement des monographies sur l'art de fabriquer de la bière ou bien sur l'histoire vraie de telle ou telle célèbre brasserie.
Il faut dire qu'en plus de boire de la bière, Plamondon en faisait. Et beaucoup à part de ça. De sorte que sa blonde devait vivre parmi trente-six cuves de plastique de 4 galons réparties un peu partout dans leur petite maison de campagne en banlieue de Trois-Rivières.
Il y en avait même dans la chambre, imaginez. Cette chambre que Renée avait tenté de rendre un peu plus féminine, tant bien que mal, puisqu'elle n'avait jamais réussi à en faire sortir les huit cuves de bière en fermentation.
-Va falloir que tu choisisses un jour, Plamondon. C'est moi ou ta bière! qu'elle lui avait dit, deux ou trois jours avant leur séparation.
-Des menaces, la Lacerte, hein? Tu seras ben contente de m'siphonner du cash le jour où j'aurai ma brasserie!
Disant cela, évidemment, Plamondon ressentit un peu la soif. Ce qui fit qu'il s'ouvrit une bière pour se calmer. Et, glouglou, il cala une bouteille en une seule gorgée.
-Ta brasserie? Maudit robineux! poursuivit Renée, visiblement irritée. Ça fait cinq ans qu'tu m'en parles! Est où ta brasserie? Dans notre chambre tabarnak! C'est là qu'elle est ta calice de brasserie! DANS NOTRE FUCKIN' CHAMBRE!
Plamondon, ne supportant pas d'être insulté par sa mégère, claqua la porte et s'en alla voir ses vieux chums pour se saouler la gueule. Ça dura un jour, deux jours, peut-être trois jours.
Le fait est que Renée l'avait quitté quand il revint. Elle lui avait laissé un mot sur le frigo: «Oublie-moé.» C'était clair, net et précis. De même que la suite: «Mange d'la marde!»
Évidemment, Plamondon constata qu'il aimait Renée. Sa chambre avait l'air triste maintenant qu'il n'y avait plus que des cuves de bière en train de gonfler. Un peu de féminité, on dira ce qu'on voudra, c'est beaucoup moins triste.
Donc, Plamondon se mit à capoter, à sangloter et à téléphoner un peu partout pour retrouver sa Renée. Personne ne savait où elle se trouvait. Ses proches lui répondaient tous la même chose: «Elle veut que tu lui crisses la paix. Elle veut p'us rien savoir de toé, Plamondon.»
Plamondon s'est donc fait une raison. Il s'est présenté à sa banque, un beau lundi matin, pour retirer toutes ses économies, un bon quinze milles piastres, l'air de rien. Puis il a vendu sa maison, son auto, ses cuves de bière. Où s'en allait tout cet argent?
Au vidéo-poker.
Pour ce faire, il n'avait qu'à traverser la rue pour se rendre à la brasserie Aux Vrais Copains. Il y avait quatre machines dans le bar. Juste assez pour le lessiver jusqu'à la dernière cent en moins de trois mois.
Plamondon faisait encore moins de chemin pour s'y rendre après avoir vendu sa maison. Il s'est loué une chambre à vil prix, juste au-dessus de la brasserie Aux Vrais Copains. C'était une chambre minuscule où il entassa sa collection de bouteilles de bière et autres trucs sans intérêt pour un prêteur sur gages, dont un vieux radio et quelques photos de Renée Lacerte en costume de bain.
Évidemment, Plamondon finit par se faire expulser de sa chambre, juste après avoir perdu sa job à la papetière qui l'embauchait. Il ne payait pas son dû. Et il têtait tout le monde au bar pour une bière ou bien quelques trente sous à mettre dans le vidéo-poker.
Au moment où j'écris ceci, je ne sais pas ce qu'est devenu Plamondon.
Certains me disent qu'il est mort. Mais ce ne sont que des ivrognes qui disent n'importe quoi, n'importe comment et tout de travers. On peut autant leur faire confiance qu'à des politiciens.
Ce que je sais, par contre, c'est que Renée Lacerte enseigne encore l'espagnol au cégep et qu'elle a trouvé un chic type pour remplacer Plamondon. Il s'appelle Diego. C'est un Mexicain. Gentil. Poli. Débordant de passion pour les arts, la littérature, les sports de plein-air. Il boit sa cervoise de temps à autres, comme tout le monde, et traite sa blonde en multipliant les petites attentions et les grands frissons de l'amour. Renée trippe sur lui, c'est bien évident. Et elle ne parle jamais de Plamondon que pour nous dire d'arrêter de lui parler de cet hostie de trou d'cul insignifiant.
-Crisse di tabarnak, ça doui pô itre facile, facile d'itre un trou di cul, Guitane, han? se permet d'ajouter mon nouvel ami, Diego.
-Asta la vista, Diego...
Ce qui fait que, peu à peu, on l'a tous un peu oublié, Plamondon. Sauf moi qui, à ma façon, vous ai tout de même raconté une partie de son histoire, pour le plus grand bénéfice des générations futures, sans vous demander le moindre sou.
Céline Dion en plus maigre???... Shit!
RépondreEffacerJ’adore cette chanson de Brel et la bière aussi (mais pas autant que Plamondon)!
Bonne journée!
parait que plamondon est vivant, enfin, si on peut dire. il aurait même pour projet de continuer, sans trop savoir pourquoi, comme à son habitude. il se serait même sortie renée de la tête, d'après le récit d'un gars de passage qui se serait soulé avec lui au téléphone. je sais pas ce qu'y faut vraiment retenir de l'affaire. plamondon, il aurait soi-disant voulu une renée qui soit pas comme la renée qu'il avait sous la main, mais en même temps, que ce soit elle, et renée, elle voulait être elle-même avant tout, avant même d'être celle que plamondon voulait qu'elle soit pour lui. mais plamondon, il savait plus vraiment ce qu'il voulait, alors renée ne savait plus vraiment qui elle devait être pour plamondon, tout en restant elle-même à tous prix. et le jour ou diego est arrivé sur son cheval, parait que plamondon a bien failli faire une grosse connerie, mais heureusement, il s'est soulé pendant 2 années entières, encore une fois, et c'est ça qui aurait sauvé l'affaire à tout ce beau petit monde. puis cette renée, elle était quand même un peu félée elle aussi. mais ça, c'est de la bouche du type qui s'est soulé avec plamondon au téléphone que je le sais, et lui, à la fin il me disait "mais tu sais, quand j'y repense, le lendemain matin, c'était même pas noté sur ma mémoire de téléphone que j'avais appelé plamondon, et d'ailleurs, je connais même pas son numéro de téléphone, et on s'était jamais vraiment parlé avant..."
RépondreEffaceret moi quand j'ai connu plamondon, c'était y'a plus de 15 ans maintenant. il était encore un peu gentil et même porté sur les arts à l'époque, mais y'avait déjà quelque chose qui tournait pas rond chez lui. et quand il buvait, il devenait carrément dingue. je crois tout simplement qu'avec le temps, il est devenu de plus en plus dingue, à force de boire de plus en plus. c'est con, parce qu'il avait certaines aptitudes, notament en langues étrangères. mais son problème, c'est qu'il aurait voulu être Jim Morrison, je crois. ce que je peux dire, un souvenir qui me revient de lui, et qui remonte, c'est que le jour ou on était allé voir les résultats des examens avec une bande de copains à l'époque du lycée, plamondon était resté enfermé dans la voiture en écoutant "the end" en boucle et en buvant de la bière. et quand on lui avait dit qu'il était reçu, après avoir lu son nom sur les affiches, il était déjà tellement parti qu'il s'en foutait royalement. il était juste resté assis sur le siège en ricanant bêtement et avait ouvert une autre bière en rembobinant la cassette du best of des doors. puis plus tard dans la soirée il avait essayé de parler avec une nana, et ça se passait assez bien entre eux, vu qu'il avait encore un certain sens de l'humour et un minimum de conversation. mais à la fin, il avait fini par se vomir dessus, et la petite avait fini par partir avec seb. puis quelques jours après, on fêtait encore les reçus des examens, et plamondon avait débarqué dans la soirée, déjà soul, et il avait voulu s'accrocher à la petite qu'il avait branchée quelques nuits auparavant, mais le problème, c'est qu'elle était maquée avec seb, déjà. alors plamondon avait pété les plombs, et à moment donné, il avait sorti sa queue et commencé à pisser sur la fille, mais seb lui avait foutu une raclée devant tout le monde, pendant que plamondon continuait à se pisser dessus en rigolant et en racontant de la merde sur tout le monde. et c'est devenu de plus en plus comme ça après, de pire en pire. jusqu'à ce qu'on ait de moins en moins de nouvelles de lui.
et donc, aux dernières, il serait encore vivant. mais comme j'ai déjà souligné, c'est pas sûr à 100% non plus.