J'ai lu tout d'une traite Léon, Coco et Mulligan, le dernier roman de Christian Mistral publié aux éditions Boréal en 2007.
Encore une fois, ce gus a réussi à m'éblouir. D'abord, ce n'est pas un roman à l'eau de rose, oh que non, mais du solide, cela prouve que Mistral n'est pas qu'une comète qui a publié Vamp jadis, mais un puissant feu d'artifices qui pète de tous bords tous côtés.
Et croyez-moi, c'est pété en hostie ce qu'il écrit, Christian Mistral.
C'est comme si le Dostoïevksi qui a écrit Le Joueur serait aussi le même qui a écrit Cannery Row ou Mice and Men - ben oui, John Steinbeck. Et vous savez quoi? C'est plus que ça encore. Ce n'est pas vraiment un dédoublement de personnalité. C'est d'une personnalité unique dans notre environnement littéraire. C'est du Mistral. C'est sa plume. Sa trace. Et on peut en être fier, croyez-moi.
Avec Léon, Coco et Mulligan, on plonge dans les années '80, dans le secteur du carré St-Louis à Montréal. Un flashback réussi. J'y étais à la même époque. Et je m'en rappelle, tiens. Le décor est bien planté, la galerie de personnages est plus que réaliste, avec un brin de transcendance, ce qui prouve que Mistral n'est pas qu'un scribe -mais qu'il est aussi un artiste.
Léon et Coco sont des vagabonds en leur genre qui se promènent d'une ville à l'autre et qui s'arrêtent là, au milieu d'une faune grotesque mais émouvante. C'est grouillant de créatures de cirque sur la rue Prince-Arthur: musiciens de rue fuckés, poqués de la vie, misérables ivres morts, putains, maquereaux, voire cancrelats.
L'écriture de Mistral pour ce roman est d'une facture plus classique, ce qui témoigne d'une certaine maturité, mais aussi d'un choix judicieux, histoire de varier les couleurs de sa palette, de montrer qu'il est capable de nous surprendre, d'un livre à l'autre, sans tomber dans la facilité.
Et pourtant, c'est facile à lire, même si l'étude des âmes est si compliquée que peu d'écrivains ne la maîtrisent vraiment. Mistral, par un don qui doit s'appeler le travail sans compter les heures, a réussi à faire un grand livre de ce petit livre de 144 pages. Il est vraiment le king du Plateau et de ses environs, que voulez-vous que je vous dise.
Je ne vous vendrai pas le punch, mais j'ai trouvé que le climat qui se dégageait du roman me rappelait Des souris et des hommes: Léon, un écrivain raté, qui traîne avec lui Coco, un schizo qui passe son temps à réciter des vers du célèbre poète Mulligan. Léon qui détruit tout ce qu'il écrit. Et Coco qui perd la boule. Et toute une galerie de personnages qui finissent tous par vous attendrir, même les plus rats, juste parce que l'on sait que la vie peut être chienne et qu'il faut avoir du chien et du mordant pour mieux la décrire.
Deux citations, qui m'ont frappé comme un coup de masse en plein front:
«-C'que tu comprends pas, c'est que le vrai monde, ça lit pas. Pourquoi, joualvert, que t'écris des livres si y a pas de vrai monde pour les lire?»
p. 125
Ouche. Ça fait mal, une phrase comme ça.
Puis, parlant de Léon, l'écrivain raté qui brûle tout ce qu'il écrit:
«(...) il consacrait rarement deux heures consécutives à son ouvrage. Le silence lui était intolérable, l'irritait de la même irritation que celle qu'il ressentait à la vue de sa propre image dans un miroir. Sa plume courait sur le papier, tantôt furieuse, tantôt hésitante, suicidaire souvent, rayant deux lignes pour un mot ajouté. Il bleuissait rame après rame, chacune le convainquant davantage de sa propre médiocrité, d'écrivain, d'homme. Il n'osait plus croire en son étoile.
Sans discipline, il n'arriverait nulle part, et il n'acquerrait plus de discipline à son âge.»
(pp.108-109)
Lisez-moi ça à voix haute, pour voir, et venez me dire que Mistral ne sait pas où placer ses points et ses virgules! C'est un écrivain de talent, de génie même, et je le dis sans rire, du fond du coeur.
Je ne vous dirai pas comment se termine Léon, Coco et Mulligan. Ce roman n'est pas seulement punché, mais il punche d'aplomb à la fin, signe que cela pourrait terminer à l'écran, ce roman. L'intensité dramatique est soutenue et mesurée avec talent.
Courez chez votre libraire.
Demandez à Boréal de faire rouler les presses rotatives.
Faites des manifs pour réclamer votre exemplaire de Léon, Coco et Mulligan.
Sinon, demandez l'anti-roman Papier-mâché, Carton-pâte, chez VLB, publié en 1995. Je suis tombé là-dessus par hasard, hier, et je n'en revenais pas de ne pas avoir lu ça quand s'est sorti!
C'est vrai que je me promenais pas mal d'un océan à l'autre dans ce temps-là... Comme Léon, Coco et Mulligan.
J'ai donc le droit d'accorder mon sceau personnel d'authenticité à ce roman: littérature vraie, les amis. C'est pas du toc. Et c'est écrit avec les tripes. Ça paraît.
Direct au coeur.
RépondreEffacerJe veux mon exemplaire de Carton-pâte, Papier-mâché!
RépondreEffacerIl est là, te l'ai promis. Faut que je le poste?
RépondreEffacerPas du tout! Je t'agace. J'irai le chercher moi-même ou tu me le remettras en mains propres.
RépondreEffacerC'est comme le bon vin, ça prend de la valeur avec l'âge.
Imagine quand je serai mort! M'as dire comme Charlton: «Take it from my cold dead hands!»
RépondreEffacerOk. Pour l'Halloween ce sera parfait!
RépondreEffacerT'arrives à minuit une et le bouquin se transforme en citrouille.
RépondreEffacerEn citrouille ou en docteur Schweitzer!
RépondreEffacerBibbidi-Bobbidi-Boo.
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