dimanche 27 juillet 2008
LES FRANÇAIS TRADUISENT L'AMÉRICAIN COMME DES CONS
Je n'ai pas terminé de lire Gonzo Highway, une sélection de la correspondance de l'écrivain et journaliste Hunter S. Thompson. D'abord, je regrette presque de le lire en traduction française. Les Français ne comprennent rien au slang américain. Ils traduisent you're fucking right man par tu dis foutrement vrai mec. Un Québécois aurait traduit ça par t'as crissement raison man.
Et c'est ainsi tout le long de ma lecture, des bordel de merde, des nom de Dieu, des je pige que dalle. Cela donne l'impression que Thompson est né sur la rive gauche et qu'il allait au Café des Deux Magots fréquenté par la bande de ploucs existentialistes dont seulement Boris Vian mérite quelques éloges.
J'ai eu le même sentiment de manger du caca bouilli la fois où j'ai lu On The Road traduit en français. En anglais, le livre-culte de Jack Kerouac est parsemé d'expressions canadiennes-françaises écrites en phonétique, avec un orthographe approximatif, du genre man je veu du la (maman, je veux du lait). Quand à la langue anglaise elle-même, le niveau de langage de Kerouac est plus près de t'as crissement raison man que de tu dis foutrement vrai mec, qui fait un peu efféminé pour un Québécois.
De plus, quand un Américain écrit He gave me a dime for dinner, ça ne veut pas dire il m'a donné la dîme pour dîner, mais plutôt il m'a donné dix cents pour dîner.
Lire On The Road en version française de Paris, c'est comme lire Gonzo Highway traduit de l'anglais par Nicolas Richard. L'effort est louable mais le résultat est nul à chier. J'aimerais mieux lire Hunter S. Thompson en anglais même si je ne comprenais rien à l'anglais. Je le lirais à voix haute en le traduisant comme bon me semble, quitte à écrire n'importe quoi. Je ferais de Hunter S. Thompson un commis d'un magasin de chaussures bon marché qui s'en prend à Timothy Leary à grands coups de bouteilles de rhum et je serais en plein dans le mille ou presque. En tout cas, ça ne saurait être pire que ces traductions stupides produites par des types qui ont mis les pieds une seule fois aux États-Unis lors d'un voyage organisé de trois jours à Disneyland.
Bref, ma critique de Gonzo Highway doit d'abord passer par celle du traducteur, voire de tous les traducteurs de la Vieille France, qui sont des enculés de première, des types qui font semblant de comprendre quelque chose à l'Amérique juste parce qu'ils ont bu deux gallons de ketchup.
Ça prend plus que d'avoir bu du ketchup ou du café filtre dégueulasse à l'américaine pour comprendre l'esprit américain dans ce qu'il a de plus sublime.
Un autre qui souffre d'avoir été mal traduit est sans doute Henry Miller. Tu lis Miller en français et tu as l'impression d'avoir affaire à Jean-Paul Sartre en plus chauve. Ça ne colle pas du tout.
Les Québécois ont une mission importante à remplir pour sauver la littérature américaine des traductions parisiennes nulles à vomir. Je pense que nous saisissons mieux ce que disent, écrivent ou pensent nos cousins, pas nos cousins français bien sûr, mais nos cousins américains. Le général Lafayette comprendrait ce que je veux dire même si Napoléon a vendu la Louisiane pour payer ses guerres en Europe.
Cela dit, Hunter S. Thompson est l'auteur américain le plus authentique que j'aie lu depuis Henry Miller et Charles Bukowski. Évidemment, je n'inclue pas Kerouac. Kerouac faisait semblant d'être un aventurier alors qu'il a passé 99,9% de sa vie à picoler chez maman, à Lowell. On en a fait une icône mais ça sonne creux un peu quand on le relit à jeun. Kerouac a fait une demie heure d'auto-stop dans sa vie et s'est mis à écrire là-dessus pendant vingt ans.
Henry Miller fait figure de père fondateur d'un type de littérature tout à fait nouveau. L'homme a tenté de décrire ce qu'il ressentait, ce qu'il expérimentait, ce qu'il faisait le plus simplement du monde, et il le faisait parfois en France.
On en a fait une icône du sexe, alors que Miller passerait pour un pudibond de nos jours puisque plus personne ne s'offusque aujourd'hui d'une bite rentrée dans une chatte ou bien de quelques Montréalais minables et désabusés qui participent à des soirées sado-masochistes dans un bar qui sent le plastique frais.
Hunter S. Thompson est un peu dans la lignée de Miller. Mais c'est comme si Henry Miller avait consommé un ou deux buvards de LSD avant d'écrire. Ça décoiffe, mec, même si j'en suis à le lire en verlan grotesque, avec les meufs, les laisse béton et tout le tralala fadasse de Français qui a toujours l'air coincé quand il essaie d'avoir l'air peuple.
Bref, je vous déconseille de lire Gonzo Highway en français. Lisez-le en anglais. Ou bien lisez des romanciers québécois subventionnés à l'os pour s'assurer que notre littérature soit toujours terne, nulle et non avenue, piquée de vacuité et de fatuité, bref de la copie pour parlementaires.
Pour ce qui est de Thompson, il s'est tiré une balle dans la tête il y a peu de temps. Je ne sais pas s'il faut tracer un lien entre son décès et sa parution en traduction française. En fait si, on l'a traduit après qu'il se soit suicidé. On n'attendait que ça pour livrer aux locuteurs francophones ces traductions qui ressemblent toutes à des chansons ennuyantes de Renaud. On voudrait lire le type qui disait fuck you, you're just a fuckin' ass hole! Et, par le manque de génie des éditeurs, on découvre un type qui fréquente des loubards tout à fait nazes qui ont cramé la dellechan par les deux tubes, putain d'enfoirés de merde!
Tabarnak! Traducteurs français, apprenez donc le Québécois! Ça vous aidera pour traduire l'américain.
PS:
J'ai fait parvenir ce texte à tous les journaux et toutes les maisons d'éditions de la France et de ses belles colonies pour créer un incident diplomatique. Ce texte est disponible pour publication si l'on me remet au moins cent euros. Sinon, mangez d'la marde! Il restera tout de même en ligne sur le ouèbe jusqu'à la fin des temps.
Et c'est signé, en plus.
Gaétan Bouchard
Écrivain, journaliste et opportuniste à ses heures; magicien, collectionneur de rien du tout, métis d'ascendance anishnabée/algonquine et gonzo après la lettre
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Post scriptum du 23 août 2008:
Aucune réponse à ce jour. Qui respecte encore les arts et les lettres, hein?
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PS du 2 janvier 2009
Aucune réponse. J'ai renvoyé le tout pour un deuxième tour. Je l'ai fait pour l'honneur, pour les arts et les lettres. Et je ne m'attends même pas à ce que l'on me remercie.
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PS du 12 août 2009
Un blog-magazine, en France, propose de mettre ce texte en lien. Ce n'est pas payant mais c'est mieux que rien...
Je te soutiens. L'anglais traduit en argot parisien me hérisse le poil. Et pourtant je suis Français. Au cours des derniers mois, j'ai lu des traductions franco-françaises de Bukowski, de Norman Mailer et de Mordecai Richler qui m'ont fait me demander si les éditeurs français ne prenaient pas leurs lecteurs pour des valises.
RépondreEffacerC'est soit un méconnaissance totale de l'anglais nord-américain soit une volonté de se rapprocher des habitudes de langage du lecteur. Dans tous les cas, traduire comme ça, c'est trahir. Ça ne colle pas avec le texte, c'est souvent anachronique et toujours déplacé.
Après on peut se demander si une traduction en québécois serait pertinent. Est-ce viable économiquement pour une maison d'édition ? Le marché est petit. Surtout comparé au marché français.
Gaetan, au lieu de demander à ce qu'on traduise des oeuvres quasi intraduisibles en français, pourquoi tu les repondrais pas à ta sauce, en t'inspirant des personnages, et en changeant quelques détails, comme t'as coutume de le faire ? (c'est peut-être un blasphème, mais en lisant "sur la route", je me suis fait chier du début à la fin, malgré toute ma bonne volonté à l'époque. ça venait pas de la traduction elle-même, je crois, mais du manque d'authenticité que je ressentais, une "gentillesse" qui n'était pas à sa place. une politesse, en fait. par contre, bukowski ne m'a jamais déçu, même dans les textes ou il part carrément en couille, et ou on sent qu'il a du mal à joindre la fin et le début de ses phrases. et quand à savoir si c'est des Bonnes ou des mauvaises traductions, je peux pas dire. parce que je suis pas spécialiste. mais je crois aussi que bukowski était un minimaliste, dans le sens ou il allait à l'essentiel avec peu de mots. et d'une certaine manière, c'est pourquoi, je crois, on peut aussi apprécier ses poésies, même traduites. ça enlève sûrement le côté "sonorité" des originaux anglais, mais ce qui me prend le plus, finalement, dans ses textes, c'est la manière qu'il a d'apporter une importance à chaque mot (dans les poèmes surtout), et comment le sens de chacun est compris dans un ensemble qui fait ressortir le poids de l'existence en prenant en compte le moindre de ses détails. en fait, la force de bukowski, elle vient du fait que quand il écrit, on dirait qu'il était en pleine méditation, comme s'il comptait des gouttes de pluie au milieu d'une horreur de crasse et de désespoir noirs et saignants. quelque chose de lent, de violent souvent, mais d'une efficacité et d'une lucidité hyper précises. et malgré la violence et la merde, j'ai toujours senti un coté TAO, en le lisant. et d'ailleurs, les parts de dialogues du personnage qui semble incarner bukowski lui-même dans ses nouvelles ou ses romans, sont souvent empreintes d'un "silence éloquent" qui renvoie à la méditation de ce dernier face aux évènements absurdes auxquels il fait face.) voilà, je sais plus ce que j'ai écrit plus haut, mais je vais me relire. mon problème, c'est que ma concentration arrive à se fixer, tant que je suis le fil, mais que ma mémoire est complètement à l'ouest, alors je me souviens plus trop souvent du début de ma pensée d'origine... (à la relecture, ça a l'air de se tenir, vu que je me comprends. je sais pas pour les autres.)
RépondreEffaceren tous cas, ce que j'aimerais savoir, c'est si "la machine molle" de burroughs était une traduction valable ou pas... parce que ça m'a l'air assez épouvantable. en tous cas, c'est un bouquin qui m'a assez traumatisé en plus du reste. et je sais pas si c'est que le cut-up qui est à l'origine de la bouillie sortie en 10/18, mais bon. ça m'a donné l'impression de vouloir lire une sorte de bouillie faite d'échardes et d'hallucinations verdatres remplies de phallus extraterrestres sadiques assoiffés de foutre-âme de flics défoncés bouffant de la cervelle de gamins déculottés en compote, cette horreur. je sais pas si c'est fait pour arranger la dislexie, ce genre de prose, ou au contraire, la developper pour qu'elle atteigne son stade ultime d'embrouille congénitale. et crack, tilt! plus rien. légume. ça dépend sûrement de la sensibilité du lecteur.
et john fante, d'ailleurs ?
bref, j'ai le cerveau qui fait des bulles et commence à saturer. je vais aller m'allonger avec un coussin sur la tête.
bonne continuation. ton blog est bien.
Kerouac est facile à lire en anglais et compliqué en français.
RépondreEffacerBurroughs est ennuyant dans les deux langues.
J'aime mieux Lautréamont ou, à la rigueur, Isidore Ducasse.
Et je maintiens que pour traduire l'américain il faut avoir ses racines en Amérique...
par rapport à kerouac, j'ai souvent lu qu'on comparait son verbe aux mélodies de charlie parker, mais j'ai jamais senti ça en le lisant en français. y'avait au contraire quelque chose de sclérosé dans ce soi-disant rythme qu'on lui attribuait. pas assez fluide.
RépondreEffacerchuis un con, mais ça m'a déçu.
quand à la langue natale comme les branches du coeur, c'est sans doute vrai, encore faut-il en avoir un. quand je pars en vrille, des fois, j'ai une voix intérieure qui me parle en anglais. elle a un vocabulaire assez réduit, mais sait aller à l'essentiel. minimale, "pragmatique", j'allais dire. des fois, je me dis que ce sont plus les mots qui parlent à travers moi que vraiment moi qui les choisi, comme si j'étais traversé par un fluide. c'est flippant. à force de pikoler ou de cachetoner, sans doute. comme si je m'appartenais plus. me dis que la sagesse, ça doit être, peut-être pas une pensée unique, mais au moins, un fil qui se tient d'un bout à l'autre de la pensée, et la maintient dans une direction. j'en sais rien. toute façon, j'ai trop souvent eu l'impression d'habiter à plusieurs pour aspirer à cette fonction de l'âme. des fois, il me semble que ça jailli, mais c'est tellement entrecoupé de merde. à force de penser et d'agir comme un trou du cul, on finit par en devenir un. me vient l'image d'un morceau de peau trouée et poilue qui se trimballerait à la verticale dans un espace verdoyant, dans l'air, et qui serait mon âme. ça file envie d'enlever ça du décors, et de le jeter à la poubelle. puis fermer les yeux, et plus rien.
je reviens dans ce message, parce qu'on a déjà parlé de bukowski, ici, dans ce lien, en apparté.
RépondreEffaceret ce soir, en écoutant le clip de dorothée que j'ai foutu sur mon blog, je repensais à un truc qui revenait souvent dans ses nouvelles, une pensée récurente qui devait avoir beaucoup de sens pour lui, du fait qu'il insistait pas mal sur ce point, de part la répétition que j'ai capté (tain l'embrouille pour en venir à l'idée précise, me marre)... berf:
bukowski, souvent, dans ses nouvelles, il dit un truc qui me parait assez essentiel pour comprendre son oeuvre, c'est que souvent, la conversation de certains hommes vaut bien mieux que ce qu'ils écrivent. je sais pas si il pensait à lui en écrivant ça, ou si c'était une remarque d'ordre général, mais en tous cas, il me semble bien comprendre le fond. et je l'apprécie. (selon mon interprétation du moment)
puis j'aime VRAIMENT bien ton BLOG, c pas pour lécher le cul. sur ce, "INSULTE FRATERNELLE".
(bisous à renée si tu la captes, mais lui dit surtout pas que ça vient de moi. elle était vraiment bien. je l'adore encore des fois, et je pleure. PAS QUE POUR LES PHOTOS!!!)
ça s'appelle "a la bukowski"
RépondreEffacerje sens bien les meubles
autour de moi
je sens bien qu'ils craquent
qu'ils vivent
qu'ils ont une ame
j'essaie de penser
de me remémorer la radio
que je jetais par la fenêtre
depuis
ils ont des téléphones portables
ils baisent à travers
pour de faux
je sais que ça ne sert à rien
je cherche
une rencontre
quand je te vois
je me sens exilé
et
tu me parles
j'aimerais adhérer
à tes paroles
mais il y a un problème
JE NE TE COMPRENDS PAS
pourquoi tu racontes tavie ?
moi
quand je le fais,
c'est par pure ironie
TAIN
se refoutre dans le décors
ok :
http://www.youtube.com/watch?v=F7NjU1sPhs0
en plus poisseux :http://www.youtube.com/watch?v=Wv3ic6OOXns
mais je n'ai pas de bombe atomique
pourtant, kesse kills son kongs !
merde!
ptdr
- ouioui, tu reprends de la plante ? ça te calmera, le temps que t'existe, ok ?
- ouais
encore un com in memorial of BUK, j'aimerais bien savoir ce qu'il avait en tête, ce con, pour en arriver à chier son papier sur le "I shot a man in rino" de johnny cash... vu que j'écoute johnny cash assez souvent en ce moment. ça devait blesser son orgueil de paranoïaque fouteur de merde, cette phrase simple "but I shot a man in rino, just to watch him die", héhé. ça devait le faire chier un peu, d'être en place de second, un peu comme dans une autre nouvelle, datant de 1977, ou il dit "je suis un antéchrist", héhé. il devait avoir entendu les sex pistols à la radio, je me dis... "une radio héroïque"... se sentir libre, en jetant sa radio par la fenêtre. je comprends bien.
RépondreEffacerouais. si j'étais là-bas, j'aurais juste un cerveau enfermé dans de l'os, les poings des bras tendus vers le bas, le regard perdu vers le haut qui répond pas... les nerfs. comment font les humains pour s'oublier tellement si souvent ? ils gueulent comme si les autres n'étaient pas là... la neige, la solitude et le trépas, dans les pas qui font du bruit, qui crissent dans la solitude désespérée. j'aime encore renée. pour les bons moments passés. de son coté, je suppose qu'elle est contente de s'en être tiré, et qu'elle fait du sport en moto, qu'elle va voir des films. elle a dégénéré par rapport à la conscience qu'elle avait, quand elle voulait se tuer avec moi.
RépondreEffacernote que j'ai toujours dit "ménon, tu t'en tireras", quand elle était larguée... par contre, l'ascenceur de sa part se fait attendre. bref. humanité. manger de la salade, du fromage de chèvre et du steak, lire artaud ou les légendes indiennes de quand les hommes étaient vraiment des hommes en pleine bioscénose... c'est eux qui s'oublient. ils comprennent pas le silence des branches.
trous du cul.
Cet article m'a bien fait rire. J'adhère complètement à la critique de On the Road en ce qui concerne la traduction, j'ai eu mal à le lire jusqu'à la dernière page, même sans rien connaître de "l'esprit américain" !
RépondreEffacerTu poses ici une question très importante à notre époque de mondialisation et d ' échange des cultures , celle de la traduction -
RépondreEffacerJe te concède que les traductions de l ' américain vers le français seront sûrement mieux faîtes par des québécois qui sont américains aussi -
Mais la problématique de toute traduction reste entière : traduire dans notre propre langue une perception du monde qui nous est nouvelle , pour laquelle nous n ' avons m^me pas de mots -
Et ces mots-là que cet autre , d ' une autre culture , utilise sont tellement nouveaux !!
Ils rendent comptent d ' une réalité qui est tellement différente de la nôtre !!
Et pourtant nous sentons bien à quel point nous sommes concernés par cette réalité autre , à quel point elle ressemble à la nôtre !
Nous essayons alors de la "traduire" -
C ' est le défi , l ' échec , et la fierté du traducteur , que de lancer ces ponts entre les cultures différentes !
C ' est son bonheur aussi quand quelques-uns de ces ponts utopiques "fonctionnent" -
( Au fond , ne voulons-nous tous pas la m^me chose ?? )
J'étais un peu ironique mondeindien... Je n'en veux pas tant que ça aux traducteurs de la doulce France...
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